Si ce récit d’exil séduit par la beauté invraisemblable de ses images, et par la qualité du jeu de ses interprètes (en tête, Ayoub Greeta, Grégoire Colin et Anna Mouglalis), La Mer au loin, du Franco-Marocain Saïd Hamich, s’avère un récit très dense, comme une adaptation d’un roman qui n’existe pas.

Nour quitte le Maroc par besoin d’émancipation. Les quatre cent coups savourés avec ces compagnons d’exil le mènent au commissariat, où un étrange policier, Serge, le sauve à chaque interrogatoire. Nour se lie d’amitié avec lui, son épouse Noémie, et leur famille. Le film raconte dix ans de ce lien indicible entre trois êtres mus par la liberté.

Difficile d’affirmer si on assiste réellement à l’histoire telle qu’elle est racontée par Nour. On suit cet homme magnétique, taiseux en même temps que rieur, mais connaît-on vraiment ses pensées ? Ce personnage semblerait presque principal par erreur, habitant les plans par sa discrète présence, ne s’imposant jamais. Ayoub Greta campe un Nour monolithique, roc calme, bien loin des clichés véhiculés par certains partis politiques sur des immigrés violents. La caméra l’accompagne avec douceur, sans jamais le sonder, comme une narration à la troisième personne.

Nour connaîtra la clandestinité, les planques foireuses, les séparations, mais à chaque fois, la force du collectif, même réduit à un duo l’emporte. Saïd Hamich signe un scénario étonnant du point de vue des personnages, surprenants à chaque instant. Nour aurait pu être un solitaire silencieux, mais sa discrétion le pousse en réalité vers les autres. La Mer au loin affirme la nécessité du lien qui ne contredit pas le besoin de liberté de chacun.

Les désirs des personnages sont le moteur des péripéties. Nour rencontre un couple libre, dans tous les sens que peut revêtir ce terme. Serge et Noémie s’aiment, et n’empêchent pas les besoins de l’autre. Grégoire Colin trouve une fragilité dans le personnage de Serge qu’il exprime par une subtile maladresse, un écart constant avec les autres. Face à ces deux hommes, Anna Mouglalis affirme sa force, refusant de faire de Noémie une femme vulnérable. Elle sera toujours droite, franche et affirmée.

Ce trio s’aimera, se disputera mais se soutiendra toujours. Pourtant, les épreuves ne manqueront pas. En empruntant plutôt la piste du mélodrame que de la chronique sociale, La Mer au loin choisit les sentiments, l’individualité, plutôt que le réalisme froid et statistique. Les événements se succèdent à une cadence folle, comme des micros-chapitres, passés en accéléré, d’une fresque de cinq heures. Le film a la densité d’un roman, mais peine à s’installer tranquillement dans une intrigue, brassant tous azimuts une vie entière en une heure trente, explorant tous les secrets, les non-dits, creusant dans chacune des relations, là où la restriction, certes ardue, aurait fait gagner au récit plus de force. Les trois segments de La Mer au loin pourraient être des films en soi. Et au vu de la profondeur des personnages, et de notre attachement immédiat à eux, nous aurions signé pour la trilogie.

Copyright image de l’article : Barney Production – Tarantula – Mont Fleuri Production

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