De son nom civil The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars, le cinquième album du chanteur anglais est une pépite inclassable, un concept album cosmique mêlé à un bazar cohérent. Introduisant l’un des alter egos culte du glam rock, David Bowie livre ici un témoignage sombre mais farfelu de la célébrité, avec de monumentales et inoubliables chansons.

L’idée de départ de Bowie est des plus étonnantes et détonantes : retracer la fin de carrière d’un chanteur de rock, dans un climat apocalyptique ponctué de trous noirs, d’aliens et de anti-héros dépressifs. Le concept est osé, mais avouons-le, un peu fumeux. Le résultat final témoignera tout de même de cette idée de décadence et cette impression de finitude, et gardera quelques extra-terrestres çà et là.

Le personnage de Ziggy Stardust, dont la durée de vie n’excédera pas un an, est créé de toute part par Bowie qui lui prête ses traits. D’abord messager envoyé sur Terre pour répandre la paix, le brave Ziggy ne survivra pas aux excès d’une vie de rocker et Bowie le tuera symboliquement sur scène lors d’un concert devenu culte, le 3 juillet 1973. Le chanteur avouera s’être inspiré de la vie du rocker Vince Taylor, auteur notamment de Brand New Cadillac repris par The Clash, et dont la carrière fructueuse dans les années 60 s’est souvent soldée par de cuisants échecs.

A l’écoute de Five Years qui inaugure l’album, il m’est vite apparu que Ziggy Stardust allait sans doute détrôner ou du moins égaler Hunky Dory en tant que disque favori de ce cher David. Débutant par une batterie hésitante, ce qui semble être un discours post-apocalyptique peu engageant s’ensuit. La voix de Bowie, sorte de chant bizarroïde, s’intensifie jusqu’au final, brillamment orchestré. Five Years est d’un paradoxe époustouflant, oscillant entre une apparente légèreté et une impressionnante maitrise.

Suivent alors Soul Love, pleinement représentative du glam rock tant elle dégouline d’excentricité et Moonage Daydream, irrésistible et au solo de guitare prodigieux. Si l’on s’arrête sur les paroles de cette dernière chanson, il semblerait que le narrateur ait une relation plus qu’amicale avec un alligator… ne nous arrêtons plus sur les paroles.

Puis arrive Starman, qui devient deuxième grand succès commercial de Bowie après Space Oditty en 1969 (Life On Mars ? sortie un an plus tôt n’est pas encore considérée comme un tube à cette période). Les talentueux musiciens aux côtés de Bowie, sont menés par Mick Ronson et son admirable jeu de guitare et fournissent une des plus belles mélodies de la carrière de l’artiste. Starman est donc une complète réussite.

Difficile de succéder à une telle chanson, pourtant It Ain’t Easy, seul titre non écrit par Bowie mais par Ron Davies, s’en sort de manière admirable malgré son air assez répétitif. Arrivent ensuite Lady Stardust, charmante ballade gay friendly faussement lancinante ; Star, plus rythmée mais moins touchante (mais au final honorable) et Hang On To Yourself, sur lequel j’emmétrais une petite réserve. La chanson-titre Ziggy Stardust rehausse la donne, entrainant logiquement la dansante Suffragette City.

Rock ’N’ Roll Suicide vient clôturer ce somptueux album et rappelle le projet de départ de Bowie, un peu oublié dans les chansons précédentes. Les paroles sont d’une tristesse innommable et la chanson décolle peu à peu dans un crescendo saisissant. La voix, devenu cri, de Bowie transcende le morceau et finit noyée par une foule d’instruments et de chœurs. Finalement d’une durée très (voire trop) courte, elle achève ce disque d’une note virtuose.

En bref
Défi artistique relevé avec brio, Ziggy Stardust est un disque ambitieux, maîtrisé et incroyablement diversifié, peut-être l’un des albums les plus proches de l’idée que j’ai de la perfection. Son premier et dernier titres sont à mon sens les plus aboutis et désarmants de ce disque. Pour ceux qui n’auraient jamais eu l’occasion de se plonger dans l’œuvre du prodige anglais, Ziggy Stardust constitue un disque abordable pour s’immerger dans sa passionnante discographie, dont l’ampleur et l’originalité n’ont jamais été atteints depuis.

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