Le dernier film de Sergio Leone donne ses lettres d’or au montage, en offrant à voir l’une des plus belles fresques historiques sur New York. Le casting irréprochable mené par De Niro se fond parfaitement dans des décors hors norme, pour laisser place à une véritable œuvre d’art.

  Leone se lance en 1984 dans un projet des plus ambitieux : retracer la vie d’une bande de gamins des rues qui finiront par devenir les maîtres du marché noir de New York. Il était une fois en Amérique s’étend en trois périodes clés : l’enfance des joyeux drilles et la rencontre capitale entre Noodles et Max, l’apogée de leur succès à l’âge adulte et le début de la Prohibition et enfin, le retour à New York du vieillissant Noodles/De Niro. Les trois périodes s’entremêlent à l’écran grâce à de stupéfiantes ellipses.

  L’enfance des jeunes protagonistes est l’occasion pour Leone de filmer au plus près les désillusions d’enfants dans un monde bien trop sombre. Les premiers amours s’effacent derrière les violences des bas quartiers de la ville américaine. Les garçons perdront toute trace d’innocence enfantine lors d’un événement tragique qui conduira Noodles en prison, marquant symboliquement la fin de leur enfance.

Noodles face à ses amis

  La deuxième période débute par la sortie de prison du personnage principal. Celui-ci découvre le succès de ses amis qui sont devenus les rois de la pègre durant son incarcération. S’il essaye de s’intégrer dans ce monde, Noodles reste en décalage avec le reste du groupe, que ce soit lors de leurs braquages ou avec ses relations avec les femmes.

  Il était une fois en Amérique commence avec l’image stupéfiante d’un Robert De Niro vieilli. Sa vie n’est qu’un miroir de ses actions passées et chaque scène est propice à un flash-back savamment orchestré.

  L’une des forces de ce film passionnant est inconcevablement son montage exceptionnel. Les producteurs de la Warner l’avaient jugé bien trop ambitieux et avait obligé Leone à réorchestré son long-métrage dans l’ordre chronologique et à réduire sa durée, perdant tout son intérêt. Les réminiscences fabuleuses sont alors effacées. Cette décision désastreuse eut pour conséquence un score décevant au box-office américain, un échec financier (seuls 2.5 millions de dollars ont été rapportés, bien trop peu en comparaison aux 30 millions utilisés pour le tournage), ainsi que des critiques assassines. Dans son malheur, Leone a pu tout de même voir le film sorti sous sa version originale dans les salles européennes, où il a bénéficié d’un meilleur accueil. La version diffusée aujourd’hui est celle rêvée par Leone, avec ses 3h41 et ses superbes ellipses.

  Le réalisateur a pris grand soin de faire évoluer ses personnages dans un décor fidèle au New York des années 20. Les nombreux (et magnifiques) travellings et plans-séquences partent bien souvent des décors pour se focaliser ensuite sur les hommes, montrant ainsi l’attention particulière laissée à chaque plan. Le film jouit de plans somptueux et de reconstitutions travaillés. Il était une fois en Amérique offre une visite dans le vieux New York, en empruntant les dédales de vieilles rues des jours de fêtes, les cafés, les salons mondains et les fumeries d’opium. Quel bonheur pour le spectateur de se laisser porter par des tableaux aussi riches…

Le budget pharaonique a été dilapidée dans de nombreux décors, à l’instar de celui ci-dessus

  La fresque historique s’avère palpitante. Pourtant, le personnage principal qu’est Noodles ne peut être adulé en raison de sa moralité douteuse et ses pulsions presque animales. On ne peut donc que saluer le talent de conteur de Leone qui réussit à nous passionner pour des personnages aussi sombres et dépourvus de morale.

  De plus, le long-métrage dévoile sans l’embellir une violence assez glaçante. Le film ne s’arrête pas à des rixes entre gamins des rues, mais il s’attarde aussi lors de scènes d’une violence insupportable, dont le personnage de Noodles est souvent l’investigateur.

Ennio Morricone, qui avait déjà collaboré avec Leone pour ses nombreux westerns, trouve ici une de ses plus belles partitions. La bande originale, rapidement reconnaissable, bénéficie aussi d’un emprunt musical de renom. En effet, en tendant bien l’oreille, on peut reconnaître un arrangement de Yesterday des Beatles, en version symphonique, qui teinte discrètement le film d’une dimension mélancolique.

En bref

Il était une fois en Amérique demeure un chef d’œuvre incontesté. Son scénario audacieux confirme son inventivité lors de la révélation finale inattendue.
  Le film offre à De Niro et James Woods des rôles majestueux d’amis qui se déchirent, tandis que Leone livre ici un des plus nobles témoignages sur la Prohibition et la misère du début du XXème siècle.
  Enfin, de par ses décors somptueux et sa narration brillante, Il était une fois en Amérique s’avère être l’une des plus belles déclarations d’amour au cinéma.

Noodles et Max, entre complicité et trahison

Par ailleurs, j’ai découvert quelques mois après avoir écrit cet article, une superbe critique sur Critikat à retrouver juste ici.

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