Ni le plus célèbre ni le plus vendu des Goncourt, Alabama Song mérite pourtant d’être redécouvert. Je l’ai lu en juin 2025, au moment où la presse s’enthousiasme pour Mon vrai nom est Elizabeth d’Adèle Yon, roman-enquête sur la grand-mère de l’autrice, lobotomisée dans un institut psychiatrique au siècle dernier. En 2007, Gilles Leroy raconte sensiblement une même histoire tragique féminine, en s’appuyant sur le destin de Zelda Fitzgerald.
Née en Alabama, la pétillante Zelda Sayre aime les hommes, puis surtout un qui deviendra son mari : Francis Scott Fitzgerald, le futur écrivain, père de Gatsby le Magnifique et Tendre est la nuit. Ils deviendront icônes des années folles, puis se déchireront, entre épuisement et abus d’alcool. Il volera ses textes, et favorisera son internement en services psychiatriques, où Zelda restera près de vingt ans, subissant isolement, chocs électriques, et lobotomie.
Ne cherchez pas une biographie rigoureuse dans Alabama Song, Gilles Leroy fait le pari de la fiction en s’emparant de cette histoire, alors anecdotique dans l’Histoire littéraire, et depuis largement commentée et érigée en symbole de l’autoritarisme masculin. L’auteur privilégie des allers-retours entre souvenirs vertigineux des années folles, et solitude de l’enfermement de Zelda. Si ce deuxième arc narratif séduit pour son réalisme, la première partie pèche par la brièveté du livre, là où un roman plus développé nous aurait plongé avec plus de force dans le tourbillon des années 1920. Les drames et aventures, notamment amoureuses, traversés par Zelda se succèdent à un rythme trépidant, peut-être trop rapide pour nous immerger dans chacune des époques.
Lecture agréable qu’on aurait aimé prolonger, Alabama Song vaut donc le détour par son sujet moderne, d’une actualité troublante et pour la plume si fluide de Gilles Leroy. (et nul besoin d’être fin connaisseur des œuvres de Fitzgerald pour s’y lancer et apprécier la lecture !)