Il faut que le monde sache : le nouveau film d’Alice Rohrwacher est une vraie merveille. Sa créativité, sa beauté et son rythme trépidant témoignent d’un fourmillement d’idées de cinéma. Vrai bijou que l’on n’attendait pas, La Chimère, en s’appuyant sur une vraie inventivité formelle, dévoile un scénario solide et touchant qui pourra ravir tous les publics.
Après sa sortie de prison, Arthur regagne le village d’Italie où ses amis l’attendent pour reprendre leurs activités de pilleurs de tombes. Le groupe de tombaroli vit de petits larcins et d’aventures, mené par Arthur et son don surnaturel pour détecter les tombeaux riches en objets rares. Cependant, Arthur reste troublé par ses souvenirs de Benjamina, une femme qu’il a aimée, et par l’arrivée d’Italia, une jeune femme débrouillarde mais fouineuse.
Que de paragraphes auraient pu être écrits sur toutes les merveilles que proposent ce film que ce soit dans les choix de cadrages, de musiques, de son, de montage, de colorimétrie, des seconds rôles, de narration… Ce dernier point mérite quelques développements.
La Chimère, additionné à des qualités formelles indéniables, éblouit par son scénario intelligent et touchant. Le film brille par son histoire riche et habilement écrite, à la fois par l’intrication des intrigues secondaires et par la polyphonie. En effet, jamais le film ne se perd dans le dédale d’intrigues qu’il ouvre, mais chacune rejoint le regroupement des autres, grâce à un véritable art de l’écriture de scénario. A deux reprises, des chansons prennent le relais de la narration, comme un écho au chœur antique chargé de raconter l’histoire à venir dans les pièces de théâtre grecques ou romaines, ou encore à la tradition médiévale des chansons de gestes. Jamais le film ne craint de tomber dans la naïveté ou le merveilleux, le spectateur n’a plus qu’à croire.
Si La Chimère ne proposait qu’une histoire géniale, il aurait pu constituer un excellent roman. Mais Alice Rohrwacher ne cesse d’allier intrigue et forme ; sa créativité en matière de choix de cadrage, de colorimétrie et de musiques sert toujours complètement les intérêts de l’histoire, en explorant la personnalité d’Arthur et en s’approchant de sa propre expérience surnaturelle au monde. De plus, les sous-intrigues de l’histoire sont de vrais réservoirs d’idées de cinéma car elles s’appuient sur des éléments visuels et sonores forts, comme le fil rouge des souvenirs labyrinthiques d’Arthur, ou encore les périples dans les tombes, véritables expériences de cinéma.
La Chimère n’est donc pas seulement un film enchanteur, simplement charmant et poétique, mais exploite à chaque instant tous les potentiels du cinéma avec un enthousiasme communicateur. Tour à tour réflexion sur notre rapport aux morts et à la transmission, conte fantastique et grand film d’amour, La Chimère est un des grands films de 2023.
[…] La Chimère : l’enchantement venu d’outre-tombe […]